Au Cameroun, la vaccination anti-Covid-19 reste volontaire mais très recommandée par le gouvernement

(237 Check) – Des propos tenus en juillet dernier par le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, et une note du directeur général de l’Hôpital Général de Yaoundé signée le 12 août, ont été interprétés comme une volonté du gouvernement de rendre obligatoire la vaccination contre la Covid-19. Ce projet n’est pas à l’ordre du jour, affirme-t-on au ministère de la Santé publique et au Programme élargie de vaccination (Pev).

Le choix des autorités camerounaises reste la vaccination volontaire et une incitation de la population. La cible ce sont les 18 ans et plus, soit 13 944 491 d’habitants. La priorité est accordée aux personnels de santé, aux personnes âgées de 50 ans et plus, ainsi que les personnes souffrant de certaines maladies : diabète, obésité, hypertension artérielle, pathologies respiratoires chroniques, insuffisance rénale chronique dialysée, cancer, cirrhose, drépanocytose, déficience immunitaire, etc. Face à la réticence généralisée, le gouvernement a déjà organisé deux campagnes nationales pour administrer massivement le vaccin. La troisième est annoncée pour fin octobre.

C’est depuis le mois de juillet que les autorités sont soupçonnées de vouloir rendre obligatoire la vaccination anti-Covid-19. En effet, le 14 juillet, lors de la 3ème série de concertations et de consultations relatives à l’évaluation de la riposte gouvernementale contre la Covid-19, le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, avait déclaré : « Sous d’autres cieux, vous avez compris qu’il y a une obligation déjà de vaccination de personnel de santé et celui qui n’est pas vacciné n’aura pas de salaire. C’est important que nous n’arrivions pas là, mais que spontanément nous puissions nous faire vacciner dans notre intérêt personnel et puis dans l’intérêt de ceux que nous recevons à l’hôpital ou dans nos bureaux, parce qu’ils peuvent nous dire que nous avons mis leur vie en danger. Vous savez très bien qu’il y a un article du Code pénal qui traite de cette question. » Le ministre avait alors rappelé que le personnel de santé non-vacciné n’était pas à l’abri des poursuites judiciaires.

Fin du traitement gratuit ?

La vidéo de ces propos a été postée le 15 juillet sur la page Facebook ministère de la Santé publique du Cameroun. Au 30 septembre, le document avait déjà récolté 7 commentaires et 9 partages. Cette sortie de Manaouda Malachie a été amplifiée par plusieurs articles de presse en ligne. Notamment le texte publié le 23 juillet sur le site de la VOA sous le titre suivant : « Covid : vers la fin du traitement gratuit pour les Camerounais non vaccinés ». L’article écrit par le journaliste Emmanuel Jules Ntap reprend d’autres propos du ministre de la Santé publique : « Pourquoi est-ce que d’autres Camerounais qui eux sont allés à la vaccination et se sont mis un peu à l’abri de cette affaire doivent payer pour celui qui refuse de se faire vacciner? (…) L’Etat ne pourra pas continuer à faire un traitement global aux personnes qui refusent de se faire vacciner (…) la réflexion se poursuit au niveau du gouvernement. »

Au lendemain des déclarations du patron de l’administration de la Santé au Cameroun, une autre actualité est venue relancer les soupçons qui pesaient déjà sur le gouvernement. Il s’agit d’une note de service datant du 12 août dans laquelle le directeur général de l’Hôpital Général de Yaoundé (HGY), le Pr Vincent de Paul Djientcheu, informe le personnel non vacciné contre la Covid-19 et sans poste de travail que, jusqu’à nouvel avis, il « ne sera plus admis à l’hôpital général de Yaoundé mais continuera à percevoir son salaire sans les compléments liés au travail (primes de rendement, transport, garde, astreinte et technicité) ». La même note ajoute à l’attention de tout personnel non immunisé (soignant et non soignant) qu’il « ne pourra plus servir dans les endroits où les patients sont précaires (réanimation, hémodialyse, oncologie, urgences…) ».

Cette actualité a été relayée par plusieurs médias sur Internet, notamment Actu Cameroun, Jeunesse Du Mboa ou encore Stopblablacam. Ce dernier site web a publié un second article le 15 septembre sous le titre suivant : « Hôpital général de Yaoundé : les syndicats vent debout contre la vaccination obligatoire ».

Les sorties du ministre de la Santé publique, conjuguées à la note du Dg de l’HGY et au traitement réservé par les médias en ligne, ont fait que le gouvernement n’est plus seulement soupçonné mais accusé de vouloir rendre obligatoire la vaccination anti-Covid-19.

« Non, nous sommes toujours dans l’exhortation », réagit Clavère Nken, le chef de la cellule de communication au ministère de la Santé publique. Au Programme élargi de vaccination (Pev), le responsable de la communication se veut plus clair. « Ce n’est pas à l’ordre du jour d’obliger les gens à se faire vacciner, y compris le personnel de santé. Nous continuons de dire que la vaccination reste volontaire mais est très fortement recommandée parce que nous connaissons tous l’importance du vaccin », affirme Jean Claude Napani. Il ajoute : « Le Pev administre les vaccins depuis 1965 et notre logique n’a jamais changé. Nous essayons d’amener la population à comprendre l’importance du vaccin, que c’est par le vaccin qu’on peut prévenir plusieurs maladies. » 

Depuis le début de la vaccination anti-Covid-19 au Cameroun le 12 avril 2021, cette position a été plusieurs fois affirmée par le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, dans les posts sur son compte Twitter (Dr MANAOUDA MALACHIE).

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4 880 vaccins périmés

Le gouvernement réaffirme donc l’option de la vaccination volontaire même si les résultats tardent à arriver. Au 29 septembre, le pays ne compte que 127 485 personnes complètement vaccinées, c’est-à-dire ayant reçu toutes les doses de vaccin nécessaires. Soit seulement 0,9% de l’ensemble de la population cible (13 944 491 d’habitants âgés de 18 ans et plus.) Le taux de vaccination se limite à 2,7% lorsqu’on comptabilise les personnes ayant pris au moins une dose de vaccin (soit 382 459 individus). A l’évidence, le Cameroun peine à trouver des preneurs pour le plus d’un million (1 052 650) de vaccins reçus à ce jour. Les stocks disponibles sont constitués de 381 250 vaccins Johnson and Johnson et de 66 460 Sinopharm. Les 391 200 Astra Zeneca n’ont pas été entièrement administrés. En août, 4 880 doses ont atteint la date de péremption.

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Malgré les faibles taux de vaccination, le Secrétaire permanant du Pev, le Dr Shalom Tchokfe Ndoula, continue de croire au bien-fondé de la vaccination volontaire. « On fait appel à la responsabilité individuelle, c’est-à-dire que nous devons nous vacciner pas seulement pour nous, mais pour les autres également, pour protéger les membres de nos familles ou nos patients qui sont vulnérables du fait de leur âge avancé ou de leur état de santé », explique ce spécialiste des soins de santé primaires complets, y compris la vaccination.

Là où les uns voient l’obligation à la vaccination, le Dr Shalom Tchokfe Ndoula croit savoir qu’il s’agit plutôt des mesures incitatives, à l’instar de celles prises par le directeur général de l’Hôpital General de Yaoundé. Il explique : « L’obligation vaccinale est une question discutée au niveau du législateur. Ça ne se décide pas au niveau des formations hospitalières. Plutôt, on incite fortement certaines catégories de personnes à se faire vacciner, surtout celles qui ont des contacts avec la population. Les personnels de santé sont justement en contact avec des personnes malades qui sont très fragiles et susceptibles d’être infectées par le virus. C’est de la même manière qu’on demande de porter les gants pour faire une opération chirurgicale ou de se laver les mains avant de passer d’une personne à une autre dans un milieu de soins. La mesure de se faire vacciner c’est aussi pour protéger les patients dans leur prise en charge. Il n’est pas concevable qu’une personne vienne prendre des soins à l’hôpital, contracte la Covid-19 et en meurt une fois à la maison. Tel n’est pas l’objet de l’hôpital. Il faut se vacciner pour rompre la chaîne de contamination. Ceux et celles qui ont des personnes diabétiques ou des personnes âgées dans leurs familles devraient se faire vacciner pour protéger ces catégories vulnérables. Il y a des situations comme celles-là qui doivent être identifiées et pour lesquelles on doit fortement inciter à la vaccination en appelant à la responsabilité individuelle. »

Le Dr Shalom Tchokfe Ndoula reste optimisme pour la suite : « Certes, l’engouement de la population reste faible, mais il est en train de monter. Il y a eu des réticences au début car, la communication sur les réseaux sociaux a été chaotique bien avant l’arrivée des vaccins, y compris en Europe. Ce qui a créé la peur chez la population. Mais avec le temps, l’engouement se fait sentir. »

Cafés scientifiques 

Le Programme élargi de vaccination (Pev) annonce la troisième campagne de vaccination massive dès la fin du mois d’octobre. En attendant, des cafés scientifiques sont organisés avec chaque administration afin de comprendre les raisons des réticences à la vaccination. Ce 30 septembre, le moment d’échange a eu lieu avec le personnel du ministère du Tourisme et des Loisirs. Une attention particulière sera accordée aux personnels de santé qui on croyait acquis à la cause. Des Focus Discussions et d’autres activités sont annoncées. 

« Au point où nous en sommes, on ne peut que communiquer de façon factuelle. On ne doit pas forcer les gens à se vacciner. Nous allons continuer à préciser les bénéfices et les risques de tous les choix que nous faisons », conclut le Secrétaire permanent du Pev. 

Par Assongmo Necdem

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