Pas prouvé : Le vaccin contre le paludisme est mortel pour les jeunes filles. 

Vaccin RTS,S Mosquirix, illustration  GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP

Fortement relayée sur les réseaux sociaux depuis le 22 novembre 2023, une publication de l’activiste panafricaniste Egounchi Behanzin a indiqué que le vaccin appliqué contre le paludisme au Cameroun conduit à la mort des jeunes filles qui le reçoivent. 

 Contexte 

Le ministre camerounais de la Santé Manaouda Malachie a annoncé le 21 novembre 2023 sur son compte X la réception par le Cameroun de 331.200 doses du vaccin RTS Mosquirix contre le paludisme. Le membre du gouvernement avait précisé que le Cameroun devenait pionnier dans la lutte contre une maladie responsable de 70% de décès chez les enfants. En réaction à cette annonce, le panafricaniste Egounchi Behanzin a multiplié les sorties sur les réseaux sociaux pour défendre l’utilisation de ce vaccin. 

Dans un tweet le 22 novembre 2023, il a indiqué que des tests effectués par le laboratoire pharmaceutique GSK sur plus d’un million d’enfants cobayes au Ghana, au Malawi, au Kenya etc. ont révélé que le vaccin RTS Mosquirix entraîne des cas de méningites comme effets indésirables, en particulier chez les petites filles. Une publication qui a cumulé plus de 4500 vues et 42 partages. Il a fait plus de trois autres tweets avec chacun au moins 1500 vues avec une vidéo Youtube publiée sur la chaîne “Ligue de défense noire Africaine” regardée plus de 4300 fois.

 Egounchi Behanzin y met les Camerounais en garde en citant une étude qui justifie sa crainte. Dans le même sens, il indique que la réception de ces vaccins par le Cameroun est le fruit d’un complot entre l’Organisation de la santé (OMS), l’Alliance du vaccin, Gavi et le laboratoire pharmaceutique GSK. Il a affirmé que l’OMS n’a d’ailleurs donné l’autorisation pour l’utilisation de ce sérum qu’en Afrique.Il est rejoint dans cette logique par le chercheur camerounais Dr Albert Ze.  “Nos dirigeants acceptent cette nième duperie parce que plusieurs vont encore manger derrière mais ce n’est nullement pour lutter contre le paludisme.” a tweeté l’économiste de la santé.  Nous l’avons contacté sur X pour savoir si c’était le fond de sa pensée. “Je l’ai déjà dit depuis que ce vaccin ne sert pratiquement à rien”, nous a répondu le Docteur. 

Des publications qui ont aussitôt amené certains Camerounais à être méfiants face à ce vaccin. L’oms estime qu’environ 11 000 personnes meurent tous les ans du paludisme au Cameroun. Mettre en cause un vaccin pouvant sauver de nombreuses vies au Cameroun peut être une véritable source de panique et d’insécurité sanitaire pour les populations de plus en plus affectées par le paludisme. “Il est obligatoire de refuser ces vaccins peuple camerounais, les Africains ne sont pas des cobayes.” a écrit un internaute dénommé Lamine Seck.  Un avis partagé par un autre du nom de Marius Miafo qui  a écrit qu”il s’agit bien de ce fameux vaccin GSK. Ils veulent tuer nos enfants au Cameroun.” peut-on lire sur le réseau social X en réaction à ces conclusions données au sujet du vaccin. 

En réalité, les Camerounais peuvent choisir la mort en voyant systématiquement le vaccin contre le paludisme comme un danger pour leurs enfants au regard de cette alerte.  

Vérification 

Nous avons procédé à la vérification de cette affirmation en quatre étapes. D’entrée de jeu, nous avons consulté la publication de la plateforme spécialisée science.org qu’Egounchi Behanzin cite comme source principale de son alerte sur le vaccin RTS Mosquirix. Contrairement aux affirmations de l’activiste panafricain, il s’agit d’un article de presse et non d’une étude menée sur le vaccin. La publication intitulée “Le premier vaccin contre le paludisme réduit le nombre de décès d’enfants, L’évaluation finale apporte de bonnes nouvelles sur le déploiement de RTS,S”, il est effectivement question dans cette analyse de l’impact du vaccin sur les enfants. L’article écrit par Meredith Wadman indique que des essais ont été effectués sur le vaccin et renseigne qu’il a “permis de réduire de 13 % le nombre de décès chez les jeunes enfants africains sur une période de près de quatre ans. Le vaccin a également permis de réduire de 22 % les cas graves de paludisme chez les enfants ayant reçu une série de trois injections.”, précise la publication. Si l’auteur révèle des doutes dans le milieu scientifique au sujet de l’efficacité sans répercussions du vaccin, elle estime de manière générale que le vaccin est prometteur. 

Nous avons par la suité contacté par appel et via le réseau social WhatsApp Dr Christelle Mpoulet qui est Épidémiologiste de Terrain en service au ministère camerounais de la Santé publique. La spécialiste reconnaît qu’il y a des cas de méningites qui ont été observés effectivement chez les enfants qui avaient reçu le vaccin. “Mais d’une part, c’était dans une très faible proportion; de l’ordre d’environ un cas de méningite pour mille personnes ayant reçu le vaccin. D’autre part, la relation de causalité n’a pas été clairement et universellement établie.”, nous a confié la spécialiste qui a d’ailleurs poursuivi en indiquant que les vaccins ont dans leur processus de fabrication des étapes rigoureuses qu’ils suivent  “ Le motif  de validation le plus important c’est que l’apport du bénéfice risque est fortement en faveur du vaccin. Les effets qu’on observe sur les différents types de populations diffèrent. Au regard de cela, les ajustements sont effectués par les autorités compétentes.” a indiqué le Dr Christelle Mpoulet qui considère que le vaccin RTS,S Mosquirix est à ne pas craindre

Dans le même sillage, nous avons essayé de connaître les arguments qui ont poussé le Ministère de la Santé publique à adopter ce vaccin. Dans une publication faite sur sa page Facebook le 29 novembre 2024, l’institution a donné quelques éclairages. Entre les lignes du document, on apprend notamment que “les effets indésirables les plus courants sont notamment : la fièvre (27% des cas), l’irritabilité (14%), la douleur au site d’injection (16%), le gonflement au site d’injection (0,7%)”. Le Ministère ne parle pas de méningite ou de mort. Il renseigne précisément que “la phase de recherche clinique est passée par cinq essais cliniques randomisés dans 7 pays africains impliquant 15459 enfants suivis pendant 5 ans. La phase de démonstration a été menée au Kenya, au Ghana et au Malawi avec 1,7 million d’enfants vaccinés. Il permettra d’éviter chaque année, en fonction du taux de couverture, près de 2000 décès chez les enfants de moins de 5 ans.”, peut-on lire. 

Nous avons ensuite consulté un rapport de l’Organisation mondiale de la santé sur la question publié en 2021. Le document statistique montre que les risques éventuels disparaissent lorsque le vaccin est administré à grande échelle. Selon une série de questions et réponses de l’OMS publiée le 17 janvier 2024, un nouveau vaccin dénommé R21 sera bientôt préqualifié comme le RTS,S. L’organisation onusienne estime que les deux vaccins pourraient permettre de prévenir 75% des accès palustres lorsqu’ils sont administrés de manière saisonnière dans les zones de transmission hautement saisonnière où la chimioprévention du paludisme saisonnier est assurée. Le déploiement à grande échelle de ces vaccins antipaludiques pourrait sauver chaque année des dizaines de milliers d’enfants selon l’OMS. L’entité qui a approuvé le vaccin ne parle pas de sa dangerosité; la principale inquiétude de l’organisation mondiale de la santé est liée au coût du vaccin. Il est encore élevé pour être rapidement distribué à tous les nécessiteux. C’est la raison pour laquelle elle travaille pour la préqualification du deuxième vaccin. 

De plus, concernant les cas de décès signalés par le panafricaniste Egounchi Behanzin dans les pays où le vaccin a été administré en 2019, notamment le Burkina Faso, le Gabon, le Ghana, le Kenya, le Malawi,le  Mozambique et la Tanzanie, un rapport de l’OMS nous renseigne que ces pays ne sont pas systématiquement les plus affectés par les cas de mort suite au vaccin. En effet, selon l’organisation, en 2022, un peu plus de la moitié des décès dus au paludisme dans le monde étaient enregistrés dans les quatre pays africains que sont : le Nigéria (26,8 %), la République démocratique du Congo (12,3 %), l’Ouganda (5,1 %) et le Mozambique (4,2 %). Ces pays qui font partie du programme de mise en œuvre du vaccin antipaludique (MVIP) de l’OMS n’ont formulé à ce jour aucun rapport pour décliner le vaccin contre le paludisme. 

Sur la même question, un article de fact-checking publié le 19 janvier sur la plateforme Yoheda health solutions  a partagé les appréciations de Renaud Piarroux Professeur à Sorbonne Université, spécialiste des épidémies. L’expert indique qu’il est difficile d’avoir totalement foi aux vaccins, avant de conclure que “La 1ère version du vaccin RTS.S est très modestement efficace.”, a-t-il indiqué. 

Le vaccin 

Le vaccin RTS Mosquirix est un vaccin à base de protéine recombinante comme le vaccin contre l’hépatite virale B et a été conçu en 1987 par des chercheurs du laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK) en collaboration avec des chercheurs africains comme la camerounaise Pr Rose LEKE. Ce vaccin antipaludique a été recommandé pour la première fois par l’OMS pour prévenir le paludisme chez les enfants en octobre 2021. Depuis 2019, près de 2 millions d’enfants ont été vaccinés au Ghana, au Kenya et au Malawi dans le cadre du Programme de mise en œuvre du vaccin contre le paludisme (MVIP). L’introduction du vaccin antipaludique RTS, S dans les 3 pays pilotes a eu un impact considérable, réduisant le nombre d’hospitalisations pédiatriques pour paludisme grave et sauvant des vies selon l’OMS. Le vaccin antipaludique RTS, S a été préqualifié par l’OMS en juillet 2022; ce qui l’a rendu commercialisable à l’international. 

Les 18 millions de doses disponibles pour la période 2023-2025 ont été allouées à 12 pays, en accordant la priorité aux zones où les besoins sont les plus élevés, où le risque de morbidité et de mortalité palustre chez les enfants est le plus élevé, jusqu’à ce que l’approvisionnement en vaccins augmente pour répondre pleinement à la demande. Les 331 200 doses réceptionnées le 21 novembre 2023, ont coûté exactement 39 744 000 FCFA à l’Etat selon le Ministère de la Santé publique. A noter que le  vaccin antipaludique doit être administré selon un schéma à 4 doses aux enfants à partir de l’âge de 5 mois.

Verdict 

Devenue virale sur les réseaux sociaux Facebook Youtube et X depuis le 22 novembre 2023, l’alerte du leader panafricaniste Egounchi Behanzin indiquait que le nouveau vaccin RTS,S Mosquirix entraîne des cas de méningites et la mort chez les jeunes filles. Après vérification, nous pouvons dire que cette affirmation ne repose sur aucune base scientifique. Donc ce n’est pas prouvé. 

Par Romulus Dorval Kuessié, boursier #AFFCameroon cohorte 9

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