Santé : non 70% de décès dans les familles au Cameroun n’ont pas des origines cancérigènes

Une publication de Kemajou Baudelaire, virale sur facebook, notamment, fait savoir que « 70% de décès dans les familles ont des origines cancérigènes ». Après vérification auprès de deux oncologues et de l’auteur, il s’avère que ce chiffre et cette déclaration ne sont pas exact.

Capture d’écran du poste vérifié le 04 octobre 2024

Le 15 septembre 2024, à 8h21 minute, heure du Cameroun, l’internaute Kemajou Baudelaire sur son compte Facebook affirme que « 70% de décès dans les familles ont des origines cancérigènes ». Cette publication a enregistré 16 réactions, 44 commentaires et 4 ont partagé, sur une page qui compte 7,7K de followers.  Ce post intervient alors que la famille de cet ingénieur développeur camerounais a été frappé à trois reprises par le cancer.

Au Cameroun, selon le Plan national stratégique de prévention du cancer et de lutte contre le cancer 2020-2024 (PSNPLCa), plus de 15 700 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. La mortalité est de 10 533 décès par an avec un ratio mortalité sur incidence supérieur à 65%. Ce ratio demeure élevé.  En matière d’incidence, les femmes sont les plus affectées avec 9 335 nouveaux cas chaque année. Les personnes âgées de 15 ans et plus sont les plus affectées avec 15 262 nouveaux cas. Environ un cinquième des cas surviennent chez les patients âgés de plus de 65 ans. Il s’agit essentiellement des cancers de la prostate chez 1 251 des 3 495 cas enregistrés. En termes d’incidence annuelle, les cinq principaux cancers sont : le cancer du sein (3 265 nouveaux cas) le cancer du col de l’utérus (2 349 nouveaux cas), le cancer de la prostate (2 064 nouveaux cas), le cancer du foie (919 nouveaux cas), les cancers colorectaux (832 nouveaux cas).

D’après ce plan national stratégique de prévention du cancer et de lutte contre le cancer 2020-2024, élaboré par le ministère de la Santé publique (MINSANTE), 43% de la population est constituée des moins de 15 ans. Les cancers pédiatriques représentent 1 à 2% de l’ensemble des cancers. Le nombre de cas incidents attendus annuellement est d’environ 900 nouveaux cas. En 2018, le service d’oncologie pédiatrique du Centre Mère et Enfant de la Fondation Chantal Biya a enregistré 150 nouveaux cas de cancer, peut-on lire dans le (PSNPLCa. Ce nombre de cas ne reflète pas la réalité de la situation des cancers pédiatriques au Cameroun, car certains patients n’arrivent pas à Yaoundé pour des raisons diverses (pauvreté, distance, défaut de diagnostic…). 

La vérification

Pour plus de détails sur ses propos tenus sur facebook, nous avons contacté Kemajou Baudelaire, par appel téléphonique, puis par messagerie Whatsapp. « Je n’ai pas fait de publications scientifiques. J’ai fait un post pour m’inquiéter du niveau toujours grandissant des cancers dans notre pays. Ma famille particulièrement a perdu en l’espace de 2 ans trois personnes. Et les connaissances me font part des mêmes cas dans leur famille. Sur 100 décès qui m’ont été rapportés plus de 70% sont d’origine cancérigène.  Ce que je constate c’est que ceux qui partent en Inde pour le traitement de cancer, y vont en bonne forme physique mais rentrent mourant après les chimiothérapies. Un de mes oncles y est passé. A son retour de l’Inde mourant on l’a ramené en France et les examens ont remis en cause les protocoles appliqués en Inde, malheureusement c’était tard et on l’a mis sur sous soins palliatifs jusqu’à sa mort. Tous ceux qui partent en Inde pour ce traitement reviennent mourants a plus de 70%. C’est connu de tous et les familles concernées vivent cela dans la douleur ». A-t-il martelé.

Dans l’optique de s’enquérir de l’état des lieux de la maladie au Cameroun, nous avons contacté via messagerie whatsapp la secrétaire permanente adjointe du Comité national de lutte contre le cancer (CNLCA). Dr Justine Elsa Essono, n’a pas apporté de réponse à nos préoccupations, nous renvoyant plutôt vers un collaborateur en cours de spécialisation. L’article sera mis à jour si la responsable sus- citée répond à nos questions.

Afin de pousser la vérification plus loin nous avons contacté par messagerie whatsapp le secrétaire permanent du Comité national de lutte contre le cancer (CNLA). Dr Blaise Nkegoum, n’a pas répondu à nos questions directement. Il nous a plutôt envoyé un document intitulé: la lutte contre le cancer au Cameroun. La publication est en fait une présentation réalisée sur power point, qui aborde le profil épidémiologique du Cameroun, les organisations de la lutte contre le cancer, les interventions prioritaires, les enjeux et défis et enfin les perspectives de la lutte contre le cancer au Cameroun. 

D’après les recherches réalisées par le chef du service d’oncologie du Centre Hospitalier Universitaire de Yaoundé, l’incidence affiche 20,745 nouveau cas, le taux de mortalité est de 13,199 cas, la prévalence est de 39,906 cas et 80%  des cas sont diagnostiqués à des stades avancés. 

Contactée le 24 septembre 2024, par appel, puis à travers la messagerie Whatsapp, le Dr Anne Sango, dans le but de savoir si 70% de décès dans les familles ont des origines cancérigènes. L’oncologue médical fait savoir que « Je ne peux pas confirmer cette assertion. Les antécédents familiaux sont de plusieurs ordres et une histoire familiale de cancer n’est pas toujours retrouvée chez les patients affectés par le cancer. Selon L’agence Internationale de Recherche sur le Cancer en 2022, tous sexes confondus au Cameroun, l’incidence : 19 564, la mortalité : 12 798 et la prévalence : 43 618.  La survenue de cancer affecte les patients de tous les âges et tous les sexes » a indiqué l’oncologue médicale en service à l’hôpital général de Yaoundé.

Avis partagé par Dr Dominique Ndom Ntock, L’oncologue médicale en service à l’hôpital général de Douala a réfuté la déclaration de Beaudelaire Kemajou. « Pas forcément je ne confirme pas cette info ». A-t-elle affirmé. La spécialiste a partagé avec nous les mêmes chiffres que sa consœur, rendu public par l’agence international de recherche sur le cancer (IARC).

Conclusion

En conclusion, l’affirmation de Kemajou Baudelaire, ingénieur développeur, « 70% de décès dans les familles ont des origines cancérigènes », n’est pas exacte. Les chiffres de l’Agence international de recherche sur le cancer, deux oncologues médicaux pensent que ce chiffre n’est pas fondé.

Carmen Olivia Bilé, boursiére #AFFCameroon Cohorte 10

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