Election présidentielle 2025: les réseaux sociaux vecteur de la mobilisation des jeunes au processus électoral au Cameroun

INTRODUCTION 

Elections Cameroon, l’instance chargée des élections au Cameroun a annoncé le 3 septembre 2024, que le fichier électoral national non toiletté affichait 8.116.960 Camerounais inscrits sur les listes électorales au 31 août, date de clôture du recensement. Soit 755.085 nouveaux votants pour l’élection présidentielle de 2025 au Cameroun. De ces nouvelles personnes enrôlées, 443.270 sont des hommes et 311.815 des femmes. Les jeunes tirent leur épingle du jeu avec 489.869 inscrits au terme de cet exercice de révision.

Cette croissance du nombre d’inscrits sur les listes électorales traduit non seulement l’engouement des jeunes à participer au processus électoral et à apporter leur contribution dans la gestion des affaires publiques mais s’explique aussi par l’utilisation de nouveaux mécanismes pour intéresser cette couche sociale à la chose politique. Depuis quelques années déjà, les internautes Camerounais se servent des réseaux sociaux pour participer aux débats publics. On note des initiatives de mobilisation comme (#EndPhoneTax #EndAnglophoneCrisis, #FreeAllArrest) qui se multiplient. Certaines, à défaut de porter des fruits, galvanisent les jeunes à plus d’expression et davantage de prise de position. Les élections qui se profilent au Cameroun en 2025 et 2026 ne sont pas en reste. À l’approche de ces échéances, le rôle des réseaux sociaux et d’internet comme vecteur stratégique d’engagement politique des jeunes citoyens dans la mobilisation et la sensibilisation des jeunes aux inscriptions sur les listes électorales, est de plus en plus visible, et surtout porte ses fruits.

Pour les échéances électorales à venir, il est à prendre en compte le facteur numérique pour déterminer et évaluer la participation civile.  Cependant, cet espace numérique n’est pas exempt de défis. Tandis que certains utilisateurs l’exploitent pour promouvoir l’engagement civique, d’autres s’en servent pour diffuser de la désinformation, des discours polarisants, ou pour exprimer leur méfiance envers le processus électoral.

Ce rapport examine les tendances en ligne liées à la mobilisation pour la participation électorale des jeunes, identifie les enjeux majeurs, et propose des recommandations pour une meilleure utilisation des réseaux sociaux dans le processus démocratique à l’occurrence des élections en Afrique en général, et au Cameroun en particulier.

CORPUS
Réseaux sociaux, vecteur de participation politique des jeunes

a- La stratégie d’ELECAM

Le rapport de DataReportal indique qu’en janvier 2024, le Cameroun comptait 12.73 millions d’utilisateurs d’Internet avec un taux de pénétration s’élevant à 43,9 %. Sur ces internautes, 5.05 millions sont des utilisateurs de médias sociaux avec une augmentation de 1,5 million de personnes entre janvier 2023 et janvier 2024. Facebook tient la tête du pavé avec 5.05 millions d’utilisateurs au Cameroun sur la même période. X (Twitter) affiche 183,3 milliers d’utilisateurs contre 1.20 million de membres pour LinkedIn et 663.1 mille utilisateurs pour Instagram.

Ces plateformes numériques ont joué un rôle crucial pour mobiliser et sensibiliser les jeunes Camerounais à participer au processus électoral. Facebook, Twitter et WhatsApp ont été utilisés non seulement par les acteurs de la société civile pour mobiliser les jeunes à s’intéresser à la politique, mais aussi par l’organe chargé des élections au Cameroun, pour organiser des campagnes d’inscription sur les listes électorales et partager des informations pratiques sur le processus. Le 1er avril 2024 par exemple, à 04 mois de la clôture des inscriptions sur les listes électorales, ELECAM lançait une campagne digitale pour encourager massivement les jeunes à s’inscrire et à exercer leur droit de vote. Sur la page Facebook de l’institution, on peut lire des publications annonçant la présence des équipes mobiles d’inscription ainsi que des kits d’inscription dans certains quartiers du département du Mfoundi dans la Région Centre.

https://www.facebook.com/share/di8rNZu7HGsrgPVg/?mibextid=WC7FNe

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid09w1WtctncPrVYFaPbQgBPZH7SwtUxxU5R9CuCcxUKqweCTURbe8WtSr3dAB2w6dol&id=100076012865448

https://www.facebook.com/share/EjZaGrwxB56VrHJf/?mibextid=WC7FNe

https://twitter.com/elecamofficiel/status/1634482880821837825?s=46

Pour une portée plus large du message, l’instance électorale camerounaise a rallié à sa cause, des profils très suivis sur la toile par des jeunes. L’humoriste comédien Moustik le Karismatik (+2,3 millions d’abonnés sur ces comptes Facebook, Instagram et Tik Tok), est l’un des égéries de cette campagne.

https://www.facebook.com/share/WzAgSycSn3GfjzDH/?mibextid=WC7FNe

https://twitter.com/elecamofficiel/status/1631577124116082688?s=46

b- Rôle des influenceurs

Les influenceurs ont ainsi joué un rôle décisif dans la sensibilisation, rendant les processus électoraux plus accessibles aux jeunes. Certains ont utilisé leur popularité pour encourager les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à participer activement au processus démocratique.

https://www.facebook.com/61550990847881/posts/pfbid0wc1ZdmPEyqq7VgxE7qw2FW3Avbf6N2wqDLVQm2B8KQCaNChuNpPsnWBi9H826h6rl/?mibextid=WC7FNe

https://www.facebook.com/share/2HDx3vZ46x6AvBju/?mibextid=WC7FNe

c- Rôle des activistes communautaires

Les activistes des médias sociaux n’étaient pas en reste. Plusieurs jeunes activistes communautaires et associations de promotion citoyenne telles que OJECAD se sont également mobilisés sur ces plateformes, avec des discours empreints de patriotisme, pour convaincre les retardataires à se dépêcher et s’inscrire sur les listes électorales. 

https://www.facebook.com/share/DkH9cwNonEdV8B59/?mibextid=WC7FNe

https://www.facebook.com/share/BrZf3Rjn12q73kqm/?mibextid=WC7FNe

d- Le cas Junior Ngombe

Notons également que certains faits sensibles ont incité plusieurs jeunes à aller massivement s’inscrire sur les listes électorales, notamment l’arrestation de Junior Ngombe. C’est un jeune Tiktokeur Camerounais de 23 ans qui avait été arrêté pour « incitation à la rébellion » et « propagation de fausses nouvelles », suite à des vidéos publiées sur TikTok encourageant la population à s’inscrire sur les listes électorales pour les élections présidentielles de 2025 et plaidant pour un changement de régime démocratique. Il a également dénoncé l’intolérance des autorités à l’égard des critiques. D’ailleurs l’ONG Amnesty International a fait un reportage sur son arrestation et sa libération. 

https://www.facebook.com/share/v/SKghXtSvBRN4nd5s/?mibextid=Mk4v2M

https://www.facebook.com/share/r/TTWXYQW9eRLDTDQ3/?mibextid=Mk4v2M

Les jeunes Camerounais indignés de cette arrestation arbitraire, se sont mobilisés derrière le hashtag #FreeJuniorNgombe, invitant la jeunesse camerounaise à se ruer vers les bureaux d’ELECAM et s’inscrire pour « le changement » et « la liberté d’expression ».

https://twitter.com/moeltimbookoki/status/1817924509313171611?s=46

https://twitter.com/gsibafeu/status/1817981800586809387?s=46

https://twitter.com/pierre_cephas12/status/1818626693210530164?s=46

Cette mobilisation a contribué à booster les inscriptions des jeunes sur les listes électorales en 2024, tel que le montre le graphique suivant:

Ces plateformes ont donc permis :

  • La sensibilisation: diffusion d’informations sur l’importance du vote et des élections
  • La mobilisation : organisation de campagnes d’inscription et de mobilisation des jeunes électeurs
  • L’éducation: partage de contenus éducatifs sur le processus électoral et les droits des citoyens

Des initiatives qui ont contribué à renforcer la participation démocratique des jeunes Camerounais et à promouvoir une citoyenneté active. 

Les potentiels menaces numériques lors des prochaines élections

  1. Attention à la Manipulation & Halte à la désinformation

Les réseaux sociaux amplifient également des défis importants. La désinformation est l’un des problèmes les plus récurrents. Par exemple, des rumeurs circulent sur Facebook et fausses informations sur des problèmes techniques à ELECAM ou sur l’annulation des élections renforcent la méfiance envers le système électoral. Des tendances négatives qui montrent à quel point les réseaux sociaux peuvent aussi être des vecteurs de démobilisation.

https://www.facebook.com/share/Gs24sDCxffkRMfLc/?mibextid=K35XfP

https://twitter.com/idountio/status/1854223131029787065?s=46

Des pages Facebook ont été créées, à l’instar de « Election Présidentielle 2025 au Cameroun » qui, tout en invitant les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales, les incite à adopter certaines positions pour lutter contre le pouvoir en place.

https://www.facebook.com/share/p/e9L4NQyZux44RQA5/?mibextid=WC7FNe

https://www.facebook.com/share/p/cvu3MJxTjbfV3bEQ/?mibextid=WC7FNe

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid02Lxynf2jwRb4iC8YKWtCARDaHWatJ5amh6pmdXwSKuYQBkXWDnVaXrMS1L3S8LkzCl&id=61558781196251

b) Incitation à la haine et à la violence

Sur Tiktok, des profils tels que « Générales des Amazones GDA1 » partagent des vidéos d’incitation à la révolte des pays de l’Afrique Centrale à l’instar du Cameroun, du Gabon et du Congo. Concernant le Cameroun, l’on retrouve sur ce profil des vidéos de manifestations devant l’Ambassade du Cameroun à Paris. 

D’autres profils, tels que « Les radicaux 237 🇨🇲 2025 » et « Georgette la guerrière »  appuient ces initiatives, et vont même un peu plus loin. Dans une vidéo du compte « Les radicaux 237 🇨🇲 2025 » publié le 19 Novembre 2024, on entend des termes tels que « on va couper le pays là en deux », « Écoutez bien la prophétie de Um Nyobe… avant le 3e président, Um Nyobe dit qu’il y aura un bain de sang. On est prêts pour ce bain de sang là ». Des paroles qui renvoient à la violence et la haine, surtout tribales. car dans cette même vidéo il parle de la création d’une province pour l’ethnie bassa:  « Les Betis vous allez rester au Sud là-bas. Les bamilékés vous allez aussi rester chez vous. Tant qu’on n’a pas notre province, la route ne passe plus. On maîtrise le maquis. »

https://vm.tiktok.com/ZMhnVxMSw

Parmi les vidéos du compte « Georgette La Guerrière », nous en avons qui contiennent des images telles que celle-ci qui appelle à la vindicte de l’ambassadrice du Cameroun au Gabon pour avoir fait renvoyer Raymon Cota au Cameroun. 

https://vm.tiktok.com/ZMhnVgcfp

Des informations non prouvées qui pourraient amener les 1203 followers de ce compte à se révolter.

Sachant que les utilisateurs de la plateforme digitale sont majoritairement jeunes, des vidéos de désinformations, de manipulations et d’incitations à la haine pourraient avoir un impact sur leurs choix politiques et bien évidemment les emmener hâtivement à s’inscrire sur les listes électorales pour le changement.

c- Personnalités publiques et opinions polarisantes

Par ailleurs, certains artistes, personnalités publiques et influenceurs utilisent leur plateforme pour amplifier les divisions politiques ou partager des opinions polarisantes, alimentant ainsi le cynisme et la méfiance.

https://www.facebook.com/share/gczaMwjpipWXpgVi/?mibextid=WC7FNe

https://www.facebook.com/share/VTBkcdgxBdAyEy5z/?mibextid=WC7FNe

https://www.facebook.com/share/EHejzbWFxPsx3xmr/?mibextid=WC7FNe

Recommandations

Afin de renforcer l’impact positif des réseaux sociaux sur la participation des jeunes, plusieurs actions doivent être entreprises. Il est primordial d’intensifier les campagnes d’éducation civique numérique. Les vidéos explicatives, les infographies et les jeux éducatifs doivent être produits dans des formats interactifs et en langues locales pour toucher un public plus large. Ces campagnes doivent également inclure des témoignages inspirants pour motiver les jeunes à s’engager.

La lutte contre la désinformation doit être une priorité. Des partenariats avec des initiatives comme une coalition fact-checkers peuvent aider à vérifier les faits et à signaler rapidement les fausses informations. En parallèle, il est essentiel de former les jeunes à identifier et à éviter les pièges de la désinformation sur les plateformes sociales.

Il serait important d’inclure les jeunes des zones rurales. Pour cela, il faudrait développer des partenariats avec des opérateurs télécoms afin de fournir un accès gratuit ou subventionné aux contenus civiques. Les campagnes numériques doivent être complétées par des moyens traditionnels comme les émissions de radio et les SMS, qui restent les principaux canaux de communication dans ces régions.

Enfin, les institutions comme Election’s Cameroon doivent renforcer leur présence sur les réseaux sociaux en organisant des sessions interactives pour répondre aux questions des jeunes. Plus d’influenceurs locaux doivent être impliqués dans ces efforts pour diffuser des messages factuels et positifs, tout en veillant à éviter la polarisation.

Conclusion

Les réseaux sociaux se sont imposés comme des catalyseurs essentiels pour mobiliser les jeunes Camerounais à participer au processus électoral, notamment à l’approche des élections présidentielles de 2025. Ces plateformes numériques offrent des opportunités uniques pour toucher une large audience, sensibiliser sur des sujets civiques et encourager l’engagement. En fournissant un accès rapide à l’information, en favorisant des campagnes interactives, et en permettant aux jeunes de s’exprimer librement sur les questions politiques, les réseaux sociaux transforment peu à peu la dynamique de participation électorale.

Cependant, cet impact positif s’accompagne de nombreux défis. La désinformation, omniprésente sur des plateformes comme Facebook, Tiktok, X et même Whatsapp constitue une menace majeure à la confiance des jeunes dans le système électoral. Les discours polarisants alimentent un cynisme grandissant, particulièrement en milieu urbain et dans la diaspora. 

Il est donc impératif d’adopter une approche stratégique et concertée pour maximiser les bénéfices des réseaux sociaux tout en atténuant leurs impacts négatifs. Cela implique de renforcer les campagnes éducatives numériques, en les rendant accessibles et inclusives, et de lutter activement contre la désinformation en collaborant avec des organisations locales de vérification des faits. L’inclusion des jeunes des zones rurales doit être une priorité, à travers l’utilisation de canaux alternatifs comme les SMS et les radios locales, en complément des initiatives en ligne.

Par ailleurs, le rôle des influenceurs doit être encadré pour s’assurer qu’ils diffusent des messages positifs et factuels, favorisant ainsi une participation électorale éclairée et proactive. Les institutions comme ELECAM ont également un rôle central à jouer en développant une présence numérique forte et en instaurant un dialogue direct avec les jeunes via des formats interactifs.

En somme, les réseaux sociaux offrent une opportunité sans précédent de transformer l’engagement politique des jeunes au Cameroun. Pour qu’ils deviennent un moteur efficace de participation électorale, les efforts doivent être orientés vers une utilisation responsable et inclusive de ces plateformes. Une telle stratégie permettra non seulement de renforcer la démocratie, mais aussi de donner aux jeunes Camerounais un sentiment de pouvoir et de responsabilité dans la construction de l’avenir politique du pays.

Rédigé par Anne Merveille NNA, boursière cohorte 10 #AFFCameroon.

Share this post

More To Explore

#AFFCameroon

Depuis l’annonce du concours de la police le 27 novembre 2024, des arnaqueurs multiplient des astuces et stratégies pour induire les potentiels candidats en erreur.

#AFFCameroon

On December 4, a claim circulated on X as a comment, alleging that Doliprane, a popular brand of paracetamol “contains a substance which can feminize

English