L’impact des changements climatiques sur le secteur agricole au Cameroun

Par Chancelin Wabo

Aujourd’hui, pour réaliser des performances de croissance, il faut prendre en compte les changements climatiques qui affectent tous les secteurs de développement. Aucun continent n’est à l’abri et le continent africain est particulièrement vulnérable à la variabilité et aux changements climatiques, qui impactent négativement son développement socio-économique, ses écosystèmes et hypothèquent l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) ainsi que l’amélioration du bien-être social des citoyens (ONACC, 2019c ; UA, 2014 ; Tol, 2009). Dans ce sillage, le Cameroun fait face à une modification de la variabilité du climat qui perturbe les activités socio-économiques. Plusieurs études (ONACC, 2019a ; 2019b ; 2018a ; 2018b ; Amougou et al., 2015 ; 2016 ; Abessolo et al., 2015 ; MINEPDED, 2015) ressortent entre autres une augmentation de la température moyenne sur le territoire national ; une diminution générale des précipitations dans les régions de l’Est, de l’Extrême-Nord, du Centre et du Sud-Ouest ; une diminution du nombre de jours de pluies par an ; une mauvaise distribution spatiale des précipitations ; une grande perturbation des débuts et des fins des différentes saisons ; une recrudescence et une augmentation de l’intensité des situations météorologiques extrêmes (vents violents, tempêtes de sable, orages, grandes tornades, etc).

Le secteur agricole est le plus touché par les changements climatiques

Chaque pays a son marqueur de développement. Pour le Cameroun, c’est l’agriculture. Cela se justifie par le fait que le Cameroun a un riche potentiel agricole et écologique diversifié. Selon l’Institut national de la statistique, l’agriculture emploie plus de 60% de la population active, près de 90% des ménages ruraux et le poids du secteur du secteur agricole dans l’économie camerounaise est considérable, près de 30% du produit intérieur brut.

Les changements climatiques affectent tous les secteurs de développement socioéconomiques que nous l’avons indiqués un peu plus haut. Le secteur agricole qui n’y échappe pas. D’après le Plan National d’Adaptation aux Changements Climatiques (MINEPDED, 2015), le secteur agricole est l’un des plus affectés par les changements climatiques. Ces effets se traduisent par une baisse de la fertilité des sols, une augmentation des risques d’insécurité alimentaire et une augmentation du coût des denrées alimentaires dans les villes et campagnes. Ce constat négatif va s’accroître dans les années à venir (ONACC, 2019a ; 2019b ; 2018a ; 2018b).

Baisse du rendement et pertes financières

L’Observatoire National des Changements Climatiques a réalisé une étude en 2019 avec pour objectif principal  d’évaluer l’impact économique de la variabilité du climat sur les rendements agricoles des régions du Centre et de l’Est (zone agro-écologique forestière à pluviométrie bimodale), de l’Extrême-Nord (zone agro-écologique soudano-sahélienne) et du Sud-Ouest (zone agro-écologique forestière à pluviométrie monomodale) entre 1998 et 2012. Dans ce document de recherche, il s’est agi spécifiquement d’analyser l’évolution des variables climatiques et rendements agricoles, de mesurer l’impact de la variabilité du climat sur les rendements moyens et sur la variance des rendements agricoles et d’estimer les coûts induits de la variabilité du climat sur les rendements agricoles. La période de l’étude est de 1998 à 2012.

Parmi les résultats nous évoquons seulement les aspects qui concernent les pertes financières par rapport au rendement agricole. Les résultats de l’étude montrent que dans la région du Centre, les pertes moyennes annuelles résultant de la baisse des rendements du haricot, du plantain, de l’arachide, du manioc et du maïs s’élèvent respectivement à : 644 484 969 FCFA, 6 989 557 031 FCFA, 149 224 602 FCFA, 5 913 496 505 FCFA et 172 074 819 FCFA. Le rapport d’étude indique que les plus bas rendements de ces cultures dans la région du Centre sont globalement enregistrés lorsque la température moyenne annuelle est comprise entre 26,1 et 26,3° C. Dans la région de l’Est, les pertes moyennes annuelles résultant de la baisse de rendements de maïs et de l’arachide sont estimés respectivement à : 194 087 512 FCFA et 572 744 858 FCFA. S’agissant de la région de l’Est, le document de recherche indique les rendements du maïs et de l’arachide sont les plus bas lorsque la grande saison des pluies compte entre 55 et 59 jours.

Dans la région de l’Extrême-Nord, les pertes économiques moyennes annuelles de la baisse de rendements sont estimées à : 1 332 600 440 FCFA pour l’arachide, 2 672 164 142 FCFA pour le maïs, 265 762 840 FCFA pour l’oignon, 256 183 704 FCFA pour le riz et, pour le mil/sorgho 2 694 465 560 FCFA. Dans cette région du septentrion, toujours selon l’étude de l’ONACC, les rendements du mil/sorgho et du riz quant à eux sont les plus bas lorsque les pluies tombent pendant quatre mois et demi à cinq mois, avec les quantités comprises entre 883,1 et 955,5 mm, et commencent pendant la deuxième quinzaine du mois de mai pour le mil/sorgho et pendant la troisième décade du mois d’avril pour le riz. Enfin dans la région du Sud-Ouest, les pertes économiques résultant de la baisse des rendements sont estimées à : 428 383 660 FCFA pour l’arachide, 18 336 733 FCFA pour le plantain et 3 707 540 745 FCFA pour le maïs. D’après le même rapport de recherche de l’ONACC, dans la région du Sud-Ouest, les plus bas rendements des cultures du plantain et de l’arachide sont obtenus lorsque la température moyenne oscille entre 24,4 et 24,6°C et les quantités de précipitations sont comprises entre 2198,04 et 2518,28mm.

Rapprocher l’information climatique auprès des agriculteurs

Lorsqu’on prend somme tous les pertes financières que nous de ressortir du travail de recherche de l’ONACC, il y a lieu de dire que les pertes financières et économiques se chiffrent à 13 868 837 926 FCFA pour la région du Centre ; 766 832 370 FCFA pour la région de l’Est ; 7 221 176 686 FCFA et 22 472 657 525 FCFA. Entre 1998 et 2012, les agriculteurs ont perdu 44 329 504 507 FCFA. De 2012 à jusqu’en 2023, les pertes ont certainement connu des augmentations. Ces pertes ont pour causes les changements climatiques. Au regard de ce qui précède, il est donc question désormais de tenir compte des effets de perturbations climatiques dans les activités agricoles au Cameroun. Cela passe par le renforcement de la résilience des agriculteurs pour minimiser l’impact négatif des changements climatiques sur la production vivrière au Cameroun. Dans ce sens, l’une des recommandations de l’étude de l’ONACC sur l’impact économique des changements climatiques sur les rendements des cultures vivrières indique qu’il faut améliorer la production et la diffusion en temps opportun des climatologiques produits par l’ONACC auprès des agriculteurs (calendriers climatiques, bulletins saisonniers de prévisions des paramètres climatiques, bulletins des alertes climatiques décadaires, etc). « Cela permettra aux agriculteurs d’avoir des informations précises sur les dates de début de pluies, la longueur de la saison des pluies ou encore les quantités des précipitations de la saison des pluies. En effet, ces informations sont des outils d’aide à la décision pour les agriculteurs (décalage des saisons culturales, choix des semences à cycle court ou long, choix des cultures tolérantes au stress hydrique, choix de la période de traitement des cultures, etc.). Elles permettent aux agriculteurs de faire des anticipations rationnelles afin d’améliorer leur niveau de rendement », explique le rapport d’étude de l’ONACC. Cette recommandation s’impose avec acuité et immédiatisme.

Sources

Abossolo, S. A., Amougou J. A., Tchindjang M., Mena, M. S., & Batha R. A. S. (2015). Analyse des précipitations annuelles à la station de Yaoundé de 1895 à 2006. Afrique Science : Revue Internationale des Sciences et Technologie, 11(2), 183-194.

Amougou J. A., Ngoupayou J. R. N., Djocgue P. F., & Bell S. B. (2015). Variabilité climatique et régime hydrologique dans un milieu bioclimatique de transition : cas du bassin fluvial de la Sanaga.

Amougou J. A. & Batha R.A.S. (2016). Impact des épisodes El Nino sur la dynamique spatiale et temporelle de la pluviométrie dans les cinq zones agro-écologiques du Cameroun de 1950 à 2010. Afrique Science : Revue Internationale des Sciences et Technologie, 12(3) (2016) 257-292.

INS (Institut Nationale de la Statistique). (2017). République du Cameroun, p

MINEPDED (Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et Développement Durable). (2015). Plan National d’Adaptation aux Changements Climatiques. République du Cameroun, 154 p.

ONACC (Observatoire National sur les Changements Climatiques). (2019c). Evaluation de l’impact des changements climatiques sur les rendements de cultures vivrières dans les régions du Centre, de l’Est, de l’Extrême-Nord et du Sud-Ouest Cameroun. République du Cameroun, 77 p.

ONACC (Observatoire National sur les Changements Climatiques). (2019b). Pluviométrie et température dans la région du Centre Cameroun : analyse de l’évolution de 1950 à 2015 et projections jusqu’à l’horizon 2090. République du Cameroun, 145 p.

ONACC (Observatoire National sur les Changements Climatiques). (2019a). Pluviométrie et température dans la région de l’Est Cameroun : analyse de l’évolution de 1950 à 2015 et projections jusqu’à l’horizon 2090. République du Cameroun, 145 p.

ONACC (Observatoire National sur les Changements Climatiques). (2018b). Pluviométrie et température dans la région du Sud-Ouest Cameroun : analyse de l’évolution de 1950 à 2015 et projections jusqu’à l’horizon 2090. République du Cameroun, 145 p.

ONACC (Observatoire National sur les Changements Climatiques). (2018a). Pluviométrie et température dans la région de l’Extrême-Nord Cameroun : analyse de l’évolution de 1950 à 2015 et projections jusqu’à l’horizon 2090. République du Cameroun, 145 p.

Tol, R. (2009). The Economic Effects of Climate Change. Journal of Economic Perspectives, 23(2) : 29-51.

UA (Union Africaine). 2014. Stratégie Africaine sur les changements climatiques. Mai 2014, 84 p.

Mots-clés : Changements climatiques, Cameroun, rendements agricoles, cultures vivrières, impact économique

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