VRAI : L’environnement paie le prix du conflit Boko Haram à l’Extrême Nord Cameroun

La crise née du fait de la présence de Boko Haram dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun a non seulement causé d’immenses souffrances humaines et des déplacements massifs de population, mais elle a également eu des conséquences graves sur l’environnement. Alors que les conflits armés et l’instabilité continuent de sévir dans la région, les conséquences environnementales sont de plus en plus visibles.

Dans le communiqué de presse N°2023/077/AFW rendu public le 21 Juin 2023, la Banque mondiale relève que l’Extrême-Nord, “est la deuxième région la plus peuplée et l’une des plus pauvres du Cameroun”. Selon ce même document qui peut être consulté sur le site www.reliefweb.in, cette région “subit les conséquences dévastatrices de la crise sécuritaire liée à Boko Haram” qui a son tour accentue “ l’impact du changement climatique, exacerbant ainsi les conditions de vie précaires des communautés locales”.

Déforestation

Dans une publication scientifique  intitulée: “Crises environnementales et conflits Boko Haram-Forces Armées” parue dans la revue Afrique et Science Nr. 00195- 17 mai 2016 et mis à la portée de tous sur www.Africa-and-science.com, Armel Mewouth son auteur, spécialiste en climat et énergie renouvelable soutient que la crise de Boko Haram a entraîné une déforestation généralisée dans la région. Selon cette publication, alors que les populations déplacées cherchent refuge et établissent des camps de fortune dans les zones boisées, la demande de bois de chauffe augmente, ce qui entraîne une exploitation forestière intensive. Selon des enquêtes menées par ses soins, les militants de Boko Haram se sont livrés à des activités d’abattage illégal pour financer leurs opérations. Contactée par téléphone, Amina Akoum, journaliste et habitante de Kousseri va de ce sens en confirmant que les populations qui ont tout perdu de Boko Haram, ont contribué à l’accélération de la déforestation en coupant les arbres pour vendre ou faire du charbon afin de subvenir à leurs besoins. En outre, en 2015 pour assurer la sécurité des villages régulièrement attaqués par les djihadistes, l’armée s’est vu dans l’obligation de couper des arbres pour les déloger de leurs cachettes. 

Dans un tel contexte, la perte d’arbres perturbe non seulement l’équilibre écologique délicat, mais contribue également à l’érosion des sols, à la réduction de la biodiversité et aggrave le changement climatique. Ce que plusieurs ignorent, c’est qu’« au cours de leur fuite, les combattants de cette secte mettent le feu dans les plantations ou dans le peu de végétation encore visible » contribuant par ce fait « à la dégradation des sols cultivables et surtout à l’accentuation du phénomène de désertification » fait-il savoir.

Le 6 novembre 2019, lors d’une conférence de presse tenue à Yaoundé, à l’occasion de la journée internationale de la prévention de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre, Didier Yimba, le directeur de l’ONG World Action Phyto Protection (Wapp), a exposé la situation environnementale du Cameroun en termes d’impact causé par les conflits armés et l’insécurité dans certaines régions. Comme on peut le lire sur www.mediaterre.org/afrique-centrale, Didier Yimkoua, confirme que “les milliers de réfugiés installés des camps de Minawa dans l’Extrême-Nord du Cameroun du fait des assauts de Boko Haram, ont fortement dégradé l’écosystème constitué de savane arbustive, en les coupant pour faire le feu de chauffage. Bien plus, l’insécurité ambiante dans cette région a stoppé les activités de conservation et de gestion durable des ressources naturelles, à l’exemple du projet Sahel vert”.

Destruction de la faune

Toujours dans son ouvrage cité plus haut, Armel Mewouth atteste que ce conflit a également eu un impact dévastateur sur la faune de la région. Ce dernier explique que suite au contexte conflictuel, les militants de Boko Haram se sont livrés au braconnage et au commerce illégal d’animaux sauvages, ciblant des espèces vulnérables telles que les éléphants, les girafes et les rhinocéros. Le braconnage de ces animaux pour leur ivoire et d’autres parties du corps menace non seulement leur survie, mais perturbe également l’équilibre écologique de la région. La perte de la faune peut avoir des conséquences profondes sur l’écosystème, y compris des perturbations dans les chaînes alimentaires et la perte d’habitats naturels. Comme la plupart de ses pairs, Armel Mewouth déplore le fait que “l’afflux des déplacés internes et des réfugiés a entraîné une augmentation des coupes abusives des formations ligneuses suite à la forte augmentation de la demande.” Il indique que pire encore, “cette guerre a également entraîné l’arrêt de toutes les activités de reboisement dans la région. Dans les différentes aires protégées de l’Extrême-Nord (parc de Waza, parc national de Kalamaloué, parc national de Mozogo Gokoro et réserve de Ma Mbed Mbed), on observe une augmentation du braconnage, de l’exploitation des ressources ligneuses et l’afflux des déplacés et des réfugiés non-déclarés non loin de ces espaces naturels ”. Une situation qui ne fait pas du bien à la faune.

Les conséquences sur le climat

A la lumière de ces constats observés sur le terrain, Armel Mewouth prévoyait une baisse de 10 à 30 jours humides, entre 2018 et 2023. Ce qui selon ses propres conclusions voudrait dire que durant cette période, les saisons pluvieuses seront encore plus courtes et de faible intensité ou même très orageuses dans certaines localités. Sur les lieux, comme le fait savoir Adamou Yaya, expert socio-environnemental, « avec le lit du fleuve » Logone qui « change constamment » les populations ne savent plus à quel saint se vouer. Toujours est-il que, sur la base des données générées par Armel Mewouth, il est possible que les ressources déjà très insuffisantes soient très affectées par le changement climatique dans cette région. “La température moyenne actuelle de la région qui oscille actuellement autour de 29 °C restera stable jusqu’en 2025” confie le chercheur. Il reste tout de même “possible d’observer une hausse de la température avec un pic de plus 1,5 °C dans les prochaines années” a-t-il ajouté. Ces conclusions rejoignent les prévisions récentes du Bulletin N° 158 de l’Observatoire National du Changement Climatique (ONACC) du Cameroun. On peut lire ici qu’au cours de la décade du 11 au 20 juillet 2023, “une attention particulière devra être portée sur certaines localités, qui présentent une très forte probabilité d’enregistrer une augmentation des températures maximales par rapport à leurs moyennes historiques enregistrées à la même période de 1979 à 2018. Il s’agit notamment de : Gamboura, Kaélé, Maroua et Mindif, dans la Région de l’Extrême-Nord”. La synthèse des prévisions précise que durant cette même période, plusieurs localités de cette région ont été marquées par des situations de canicule, ceci suite à l’expression des températures maximales comprises entre 32°C et 38°C.                                                      

https://www.actioncontrelafaim.org/a-la-une/le-dereglement-climatique-a-loeuvre/ est le lien d’un article publié sur site www.actioncontrelafaim.org de l’organisation Action Contre la Faim. Il y est noté que les problèmes du climat observés à l’Extrême Nord du Cameroun favorisent une diminution des rendements agricoles dû à la modification du calendrier agricole; favorisant une augmentation de l’insécurité alimentaire et une perte de revenus pour les communautés rurales déjà vulnérables; contribue à une augmentation des inondations et des érosions dans les localités/communes de la région. Ces inondations ont des conséquences sur le contexte socio-économique des populations victimes. 

William Tadum Tadum

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